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Les angles morts de la sécurité routière

LA CROIX - Emmanuelle Réju

Déficit d’attention, vieillissement de la population, consommation de stupéfiants…

Ces phénomènes encore mal connus pourraient expliquer en partie les mauvais résultats de la sécurité routière.




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Le nombre de morts sur les routes continue d’augmenter. / Julio Pelaez/Photopqr/Le Républicain Lorrain

Des messages inédits ont fleuri sur la route des vacances. « Celui qui conduit, c’est celui qui ne joue pas ». En ligne de mire : la chasse au Pokémon sur le smartphone, devenu sport planétaire pendant les vacances d’été. « Le Pokémon, c’est l’arbre qui cache la forêt », souligne le délégué interministériel à la sécurité routière, Emmanuel Barbe, qui vient de lancer une campagne audiovisuelle sur les risques du téléphone au volant.



L’été s’achève sur un bilan plus que mitigé. Après douze années de baisse consécutives, la mortalité routière est repartie à la hausse depuis 2014. L’année 2016 s’annonce aussi médiocre que les précédentes, le nombre de morts ayant augmenté de 1,5 % sur les sept premiers mois de l’année. « Cette inversion de la courbe s’observe aussi dans des pays comparables aux nôtres, comme l’Allemagne et l’Espagne », souligne Emmanuel Barbe. Et reste encore largement inexpliquée.

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Certes, les pouvoirs publics ont pu constater un relâchement des comportements. Les vitesses moyennes pratiquées augmentent, le port de la ceinture n’est pas encore une évidence pour tout le monde et la lutte contre l’alcool au volant reste un combat de longue haleine.

Mais ces facteurs de risques traditionnels – bien connus car facilement contrôlables – n’expliquent pas tout. L’individu hyperconnecté, qui dans certains cas peut développer une véritable addiction à son téléphone intelligent, intéresse de plus en plus les chercheurs et les pouvoirs publics.

Augmentation du nombre d’usagers vulnérables

« Le contexte a beaucoup évolué ces dernières années, souligne Joël Yerpez, directeur au département transport, santé, sécurité de l’Institut français des sciences et technologies des transports (Ifsttar). Il y a de plus en plus de gens connectés, qu’ils soient automobilistes, piétons ou cyclistes. Paradoxalement, les nouveaux aménagements urbains, de plus en plus complexes, multiplient les zones d’échange entre tous ces usagers et nécessiteraient que l’on soit beaucoup plus vigilant ».

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Par ailleurs, les encouragements à se déplacer à vélo ou en marchant augmentent le nombre d’usagers vulnérables que sont les piétons et les cyclistes. Le tout dans un contexte général de vieillissement de la population.« Cette population, tout aussi connectée que les plus jeunes, est plus fragile physiquement », rappelle Joël Yerpez.

Les problèmes de l’inattention et des médicaments

« L’inattention au volant est un domaine d’avenir pour la recherche, renchérit Emmanuel Lagarde, directeur de recherches à l’Inserm. Et pas seulement à cause du téléphone mobile ». Des études récentes ont montré que des personnes s’abandonnaient à des formes de rêve éveillé plus fréquemment et plus profondément que d’autres. Et qu’elles avaient de ce fait plus d’accidents.« Cette forme d’inattention peut être propre à la personne ou conjoncturelle,précise le chercheur. Par exemple, les périodes de divorce sont très propices aux accidents ».

La prise de médicaments, et notamment de somnifères de la classe des benzodiazépines, suscite elle aussi de plus en plus d’inquiétudes. « Pris la veille au soir, ces somnifères ont un effet non négligeable sur la conduite le lendemain »,assure Catherine Berthelon, qui a mené des études expérimentales dans le laboratoire de l’Ifsttar de Salon-de-ProvenceEt ce, alors que « le vieillissement et la féminisation des conducteurs augmentent le nombre de conducteurs sous l’emprise de ces benzodiazépines », constate Emmanuel Lagarde.

De nouveaux contrôles de stupéfiants

Enfin, un facteur de risque longtemps sous-estimé, faute là encore de pouvoir être contrôlé, pourrait bien surgir dans l’actualité dans les prochains mois : la conduite sous l’emprise de stupéfiants. Jusqu’à présent, leur recherche chez les conducteurs lors de contrôles aléatoires était peu pratiquée, car trop coûteuse et chronophage pour les forces de l’ordre. En cas de premier test salivaire positif, le conducteur devait être théoriquement escorté à l’hôpital par les forces de l’ordre pour une prise de sang destinée à confirmer le diagnostic.

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De nouvelles techniques permettent désormais de prouver (ou non) l’usage de stupéfiant par un deuxième test salivaire effectué immédiatement par les forces de l’ordre. Expérimenté pendant six mois, ce nouveau dispositif est sur le point d’être généralisé. Les décrets et arrêtés organisant ces contrôles viennent de paraître. « Il est probable que le phénomène de conduite sous l’emprise de stupéfiants émerge à la lumière de ces nouveaux contrôles », pronostique Emmanuel Barbe.

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La route en chiffres

Le nombre de morts sur les routes, reparti à la hausse en 2014 pour la première fois après douze ans de baisse, a de nouveau augmenté en 2015 (3 464 tués, + 2,4 % par rapport à l’année précédente).

Téléphoner au volant multiplie par trois le risque d’accident et rédiger un message au volant multiplie le risque d’accident par 23. Près d’un accident corporel sur dix est lié à l’utilisation d’un téléphone portable en conduisant.

L’utilisation ou la manipulation d’un téléphone portable par un conducteur est punie d’une amende de 135 € et d’un retrait de trois points du permis de conduire.

Emmanuelle Réju

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