Dans la nuit du 22 au 23 décembre 2012, Lhoussain Oulkouch, 34 ans, ivre et drogué, renversait une jeune fille qui traversait la rue, Charlotte Landais. Sous la violence du choc, elle était projetée douze mètres plus loin. Le chauffard prenait la fuite, mais il était interpellé quelques heures plus tard. Il indiquait avoir cru « heurter une poubelle ».
La jeune fille mourait pendant son transport à l’hôpital.
Le 2 janvier 2014, le tribunal correctionnel de Montpellier condamnait Lhoussain Oulkouch à six ans de prison pour « homicide involontaire aggravé par plusieurs circonstances, à savoir la violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence et de sécurité, la conduite d’un véhicule après usage de stupéfiants, la conduite sans permis et le délit de fuite ».
Le jour même, les parents de Charlotte Landais avaient organisé une marche blanche pour protester contre le fait que l’affaire soit jugée par un tribunal correctionnel, et non par une cour d’assises. Ils faisaient appel de la décision, en demandant que les faits reprochés à M. Oulkouch, qualifiés d’homicide involontaire aggravé, ce qui constitue un délit, soient requalifiés en « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner », ce qui constitue un crime.
La cour d’appel Montpellier refusait, aux motifs que, « si l’excès de vitesse, l’imprégnation alcoolique et l’absorption de stupéfiants sont caractérisés, il ne résulte d’aucun élément du dossier que le prévenu ait eu l’intention de causer des violences à Charlotte Landais« . Pour la cour, le comportement du prévenu n’était pas « volontairement dirigé contre Charlotte Landais, qu’il ne connaissait pas, ou contre quiconque« ; « Ce sont des fautes caractérisées de conduite qui sont à l’origine de l’accident mortel et non une quelconque intention de sa part d’attenter à l’intégrité d’autrui. »
La cour d’appel jugeait que « la multiplicité des circonstances aggravantes ne saurait aboutir à la transformation d’un délit (…) en un crime, où la volonté de porter atteinte à autrui est délibérée même si ce n’est pas la mort qui a été souhaitée ». Elle confirmait la condamnation de première instance, le 5 février 2015.
M. Landais s’est pourvu en cassation.
Son avocat, Me Nicolas Boullez, a fait valoir que « le prévenu a bu et a consommé volontairement des stupéfiants avant de prendre le volant pour conduire à vitesse excessive au volant d’un véhicule devenu une arme par destination ;
qu’un tel comportement est un acte intentionnel de nature à impressionner vivement les autres conducteurs et les piétons, et n’a pu être adopté qu’avec la conscience du caractère prévisible du dommage » .
Il a assuré que la cour d’appel avait violé les articles 222-7 et 222-8 10 du code pénal, « en se contentant d’affirmer que le comportement du prévenu ne pouvait, en soi, être défini comme violence au sens pénal strict du terme en raison notamment de l’absence d’intention d’attenter à l’intégrité d’autrui ».
La Cour de cassation a rejeté son pourvoi, mercredi 22 juin, en jugeant que l’arrêt attaqué « n’encourait pas la censure ». (No 15-81725)
Me Boullez relève toutefois que la Cour n’a pas déclaré son pourvoi irrecevable, « ce qui était systématiquement le cas auparavant ». « Cela signifie que les parties civiles ont désormais leur mot à dire sur la requalification des faits, si elles se pourvoient en cassation, alors que cela relevait jusqu’à présent du monopole exclusif du parquet. »
source : Le Monde